Gérer les émotions des enfants… et les nôtres : ce que disent les neurosciences
Découvrez ce que les neurosciences nous apprennent sur la gestion des émotions des enfants… et des adultes qui les accompagnent au quotidien.
Pauline B
6 min read
Dans le quotidien d’un lieu d’accueil, les émotions sont partout : rires, colères, pleurs, frustrations… et parfois nos propres agacements ou épuisements face à ces tempêtes émotionnelles.
Ce qui peut paraître disproportionné chez un tout-petit est souvent une expression cohérente de son développement cérébral. Comprendre ce qui se joue, dans son cerveau et dans le nôtre, change profondément la manière d’accompagner.


3. Identifier et nommer : mettre des mots pour diminuer la tempête
La recherche montre que verbaliser une émotion, c'est-à-dire, dire : « je suis en colère / triste / frustré », diminue à lui seul, l’activité de régions liées à l’alerte (amygdale) et active des régions de contrôle (préfrontal).
Ainsi, mettre des mots sur ce qui se passe aide à réguler. Cette idée, étudiée dans la littérature (affect-labeling), est résumée dans plusieurs ressources francophones qui expliquent pourquoi le « dire » est un outil de régulation.
Dire ce que l’on ressent transforme une activation primitive (alerte) en information traitable : l’émotion devient "communicable" et gérable.
En pratique :
Nommer à voix haute ce que l’on observe : « Tu as l’air très triste, as tu besoin de réconfort ? »
Proposer des alternatives verbales : « On souffle ensemble », « Tu peux taper dans le coussin ».
Offrir un petit lexique d’émotions illustré (images + mots) adapté aux âges pour aider l’enfant à repérer ses sensations.
1. Le cerveau de l’enfant : un chef d’orchestre encore en construction
Les neurosciences affectives montrent que le cerveau de l’enfant est immature pendant longtemps : les zones impliquées dans la régulation émotionnelle, notamment le cortex préfrontal, se développent sur plusieurs années.
Concrètement, un jeune enfant n’a pas encore les outils neurologiques pour inhiber une forte émotion, attendre ou analyser une situation comme un adulte.
Comprendre cela, aide à interpréter les cris, frappes ou pleurs non comme des «caprices», mais comme des messages que l’enfant n’arrive pas encore à formuler autrement.
Savoir que l’immaturité cérébrale explique beaucoup de comportements, empêche la stigmatisation et oriente vers une posture d’aide plutôt que de sanction.
En pratique :
Ralentir sa voix, adopter une posture basse, rapprocher physiquement sa présence avant d’intervenir.
Proposer un temps de pause et l'objet transitionnel, si besoin, puis nommer les émotions traversé par l'enfant
Prévoir des routines rassurantes (repères temporels, rituels) pour limiter l’incertitude.
💡 Le saviez vous ?
Le calme d’un adulte agit comme un régulateur externe pour le jeune enfant : il facilite la bascule du mode « alerte » au mode « apprentissage »
2. Les neurones miroirs : nos émotions se répondent
Des recherches sur les mécanismes d’imitation et d’empathie expliquent que nous «ressentons» beaucoup avant de comprendre : les neurones miroirs contribuent à répliquer, au niveau neurologique, ce que nous observons chez l’autre. Concrètement, un adulte tendu ou pressé favorise, souvent sans s’en rendre compte, plus d’agitation chez les enfants et inversement, un professionnel posé aide le l'agitation à retomber.
Nos états internes influencent directement le climat collectif : réguler sa propre émotion n’est pas « égoïste », c’est un acte professionnel qui protège le groupe.
En pratique :
Avant d’entrer dans une pièce bruyante, prendre 3 respirations conscientes pour abaisser son niveau d’alerte.
Utiliser des outils visibles : minuteur, musique de transition, consigne claire pour le groupe qui aide à synchroniser les comportements.
En équipe, partager un mot quelques mots sur son état », pour anticiper les réactions.
🌿 “Un adulte apaisé, c’est un groupe apaisé”
Pour conclure :
Accompagner les émotions des enfants, c’est d’abord apprendre à les décoder plutôt qu’à les juger. Car bien souvent, derrière un comportement "difficile", se cache un cerveau encore en construction.
Réguler ses propres émotions devient alors une clé essentielle : nos états intérieurs se transmettent, influençant directement ceux des enfants.
Mettre des mots sur ce que l’on ressent, pour soi comme pour l’enfant, apaise la tempête interne et ouvre un espace de compréhension mutuelle.
Et dans le quotidien, ce sont les micro-gestes : respirer, se baisser, reformuler, poser une main rassurante qui tissent la sécurité émotionnelle.
Comprendre les mécanismes émotionnels change tout : on ne réagit plus sous le coup de l’émotion, on répond avec discernement.
Ce que ça change :
Moins de tensions, plus d’apaisement.
Un climat de travail plus serein.
Et, surtout, des enfants qui apprennent à leur tour à réguler, à comprendre et à grandir en confiance.


💡 Le saviez-vous?
Dire « je suis en colère » réduit l’effet d’alerte dans le cerveau. C’est une vraie stratégie de régulation
4. Accompagner une émotion ≠ l’éteindre : l’apprentissage passe par la traversée
L’objectif face à une situation de crise n’est pas d’éteindre à tout prix le ressenti. Comme par exemple, le "noyer" avec un objet transitionnel sans accompagnement !
Mais plutôt d’aider l’enfant à passer par l’émotion : la reconnaître, la comprendre, puis la "digéreré.
Les objets réconfortants ont leur place, mais ils complètent la présence et la parole de l’adulte, ils ne la remplacent pas !
La science indique que la co-régulation = l’adulte aidant l’enfant à traverser l’émotion, favorise la maturation des circuits de contrôle.
L’apprentissage de la maîtrise émotionnelle se construit «avec», pas «à la place de» : l’enfant internalise la capacité à se calmer en vivant l’expérience d’être aidé.
En pratique :
Accompagner en nommant : « Tu as très peur, je suis là, on va ensemble regarder ce qui se passe. »
Proposer des micro-outils (respiration, câlin, coin calme) et expliquer leur utilité.
Programmer des "moments d’entraînement" émotionnel via des jeux comme par exemple des mises en scène, des marionnettes,...
🌿 “Prendre soin des autres commence par prendre soin de soi”
🌿 "Les émotions ne sont pas des obstacles au travail pédagogique : elles sont des informations qui orientent l’accompagnement”
5. Nos émotions professionnelles : se reconnaître pour mieux réguler
Gérer les émotions des enfants demande d’abord d’identifier nos propres états.
Dire « je suis tendu·e », nommer sa fatigue, demander un relais : autant d’actes professionnels.
Les études sur le stress professionnel soulignent l’importance d’espaces d’expression (réunions de régulation, APP, supervision) pour prévenir l’épuisement et renforcer la cohésion d’équipe.
Les synthèses françaises sur les facteurs de vulnérabilité et résilience sont claires : la capacité d’autorégulation et le soutien social protègent contre l’épuisement.
Un.e professionnel.le régulé fournit la sécurité de base nécessaire au développement de l’enfant ; ignorer son propre état fragilise la qualité d’accueil.
En pratique :
Instaurer un rituel collectif court (2-3 minutes) pour “poser” le groupe en début ou fin de journée.
Prévoir un lieu, même bref, pour décharger une situation difficile (tour de parole, fiche courte).
Former les équipes sur la reconnaissance des signes de surcharge et les procédures d’appui.
💬 “ En tant qu'êtres humains, nous sommes définis par notre besoin de connexion et de co-régulation” Stephen Porges (développeur de la théorie polyvagale)
🌿 “Accompagner les émotions, c’est transformer de l’intensité en apprentissage, pour l’enfant comme pour l’équipe”
6. Co-régulation quotidienne : gestes simples, effets durables
La régulation émotionnelle se joue dans les petits gestes répétés : regard apaisant, souffle partagé, reformulation, contact posé, proposition d’un coin calme.
Ces actes simples activent le système parasympathique chez l’enfant et l’adulte, ce qui favorise la détente et la récupération.
La théorie polyvagale insiste sur ces micro-contacts qui permettent de retrouver un état social sûr et disponible.
Ces gestes transforment le climat quotidien : moins d’activation hostile, plus de disponibilité cognitive pour apprendre.
En pratique :
Respirer ensemble (ex. : souffle 4-4) quand la tension monte.
Utiliser la voix basse et lente pour des consignes importantes.
Prévoir et aménager un “coin calme” simple (tapis, coussins, un rangement accessible, pour l’objet transitionnel).
💫 Galaxie Pitchoun — pour des pratiques éclairées, au service du bien-être des tout-petits et de ceux qui les accompagnent
by Pauline Bersier


